Le village
A voir ce nid d’aigle accroché au versant ouest du cap corse face à ce vieux bassin de la Méditerranée occidentale. , On serait vraiment surpris si l’historique du lieu ne fut pas intimement lié à la configuration du site.
A l’histoire militaire du lieu, se fondent une économie en accord avec le milieu naturel, de la mer et d’une côte étagée jusqu’à 700m. Une mer qui offrait ses richesses, ses voies de communications mais aussi son lot de dangers. La terre elle, semble matérialiser et garder en mémoire à travers l’architecture du bourg, les vestiges des jardins familiaux et son agriculture l’histoire des hommes.
ORIGINES:
Le village actuel s’organise à partir du XII° siècle autour du château de Peverelli , seigneurs locaux et qui fut détruit par Gênes en 1489. « Castrum Nuntiae » forteresse avancée sur un belvédère propre à annoncer pour le bassin oriental de la Corse, toutes tentatives d’incursion sur la côte des agriate. Mais le site est occupé depuis bien plus longtemps. Les peintures rupestres de la grotta scritta du début du 2° millénaire avant J-C toute proche ou la légende de Ste Julie qui avère un sanctuaire détruit en 734 par les barbaresques semblent l’attester.
Activités humaines partir du XVI° siècle.
Siège du fief des avogari de Gentile qui s’étendait sur les communes actuelles d’Olmeta du cap d’Olcani, Nonza et les 2/3 d’Ogliastro, ce dernier épousait sensiblement les limites de la piève religieuse.
Vincentello II qui vécu entre 1523 et 1625, exerçait des droits féodaux au-delà du golfe dans l’ostriconi, et sur les agriate. Nonza dont le maigre banc agricole subvenait que pour un tiers de ses besoins en céréales était obligé de cultiver avec les autres communautés une partie sur ces terres (biade) en s’exilant une partie de l’année. Le restant faisait l’objet d’importations provenant du troc fait par les patrons de barques en Sardaigne et “terre ferme”. (toscane et ligurie ) Les produits de base étant issus des cultures méditerranéennes traditionnelles, l’huile d’olives, le vin, les raisins secs qu’appréciait particulièrement Mgr Giustiniani,. l’évêque du Nebbio en 1531.
Le danger barbaresque :
Les communications maritimes de l’époque n’étaient des plus sûres, outre les risques inhérents à la pratique maritime, s’ajoutait la prise d’otages par les barbaresques. Gênes fera construire autour de la Corse tout un réseau de tours côtières. A Nonza circulait une ancienne légende que l’on peut lier à un hameau aujourd’hui disparu Casavecchioni ou Teghia à proximité de la chapelle Santa Maria.
“Lors d’une attaque de Nonza par les barbaresques, le commandant de la place s’étant trouvé seul pour défendre le village, les femmes sont venues à la rescousse. Le commandant avait placé les canons en divers endroits. Allant de l’un à l’autre il tirait avec l’aide des femmes. Et sur la Teddia il hurlait des ordres à ses troupes fictives. Tant et si bien que les barbaresque croyant avoir affaire à un grand nombre d’ennemis bien armés prirent la fuite.”
Avec le XVII° siècle, le produit de ce cabotage est convertit avec l’usage de la propriété privée grandissante dans des chiosi (jardins fermés) qu’il faudra arracher à la forte pente du lieu. Les patrons de barques profiteront des structures de la chancellerie du siège du fief féodal pour garantir les actes commerciaux qu’ils passeront (comme armateurs) avec les capitaines des autres communautés du cap.
Le temps des révolutions :
Nonza, lié économiquement à la terre ferme, subira au cours du XVIII° siècle les remous de la révolution de Corse contre le joug génois (1729-1769) notamment en 1731, 1748 et 1768. Considéré comme position clé à une implantation militaire dans le cap les Français, bombarderont à partir de la mer, le village durant toute la journée du 24 août 1768 pour assurer la marche de trois colonnes à pied (1200 hommes) commandées par le Gal Grandmaison. Le détachement de soldats corses, retranché à Nonza devait être fait prisonnier au nord de la localité. Mais à cette occasion la tradition rapporte :
« qu’un vieux soldat, le Cdt Jacques Casela, blessé, resté seul dans la tour “paoline” usa d ‘un stratagème pour faire croire à une forte résistance. Il articulait plusieurs armes avec des ficelles à partir des échauguettes de la tour. Il accepta de se rendre qu’avec les honneurs. On raconte qu’à sa sortie le général français demanda pourquoi le restant de la troupe ne bougeait pas ? La voilà c’est moi ! Il fut reconduit auprès de Paoli, resté dans le Nebbio. »
La révolution française aura quant à elle pour conséquence en 1792 l’abandon du couvent franciscain qui avait rayonné jusque là sur toute la piève Il avait sans doute comme tous ces établissements prodigué l’enseignement et les soins à cette population, très attachée depuis toujours à cet ordre.
Le XIX° siècle marque la popularisation en Europe des desserts et les pâtisseries dans les usages culinaires. Le cap corse saura s’adapter aux circonstances, en étant à l’origine de la commercialisation de la production du cédrat.
C’est vers 1830 que débuteront en Corse les cultures et la production de cet agrume qui craint le gel et le vent et demande beaucoup d’eau. La communauté devra réaménager la bande de relief à sa disposition entre 0 et 300 mètres d’altitude par des haies (Sebbe) et l’irrigation des parcelles en créant des société s d’irrigation, etc….
Les fruits amenés par les propriétaires ou recueillis dans d’autres marines seront triés “u celtu” sur des clefs et conditionnés en tranches en barriques d’eau de mer ou en caisse pour les plus gros. Ainsi conditionnés, ils étaient stockés dans les magasins de la marine. Les commandes à honorer provenaient des grossistes de Livourne, Marseille et Nice qui livraient confiseurs ou parfumeurs (essences) parfois du nord de la France voire de l’Europe. Le transport était assuré par les bricks et goélettes amarrés à St Florent ou l’anse de Fornali de capitaines et équipages locaux. Ils assuraient en retour par la marine fermée par deux rochers aujourd’hui disparus, le transit des farines et divers matériaux de construction. Si Nonza reste producteur de cédrats, la construction de la route qui ceinture le cap corse sous second empire, centralisera les opérations de commercialisation sur Bastia et son port.
Limité dans ses richesses naturelles Nonza expatriait bon nombre de ses habitants vers le continent, Marseille en particulier, mais aussi vers l’Amérique Porto Rico, san Domingue dont beaucoup resteront attachés à leurs origines.
Ainsi le mode de vie lié à la mer voulait que les risques pris à la mer par les jeunes comme marins soient convertis dans l’agriculture, dans les “chiosi” ou “orti ” familiaux, sécurisant les vieux jours.
L’habitat qui accumulait depuis toujours de petits volumes accolés sur les courbes de niveau pour mieux défendre la communauté se transformait à cette époque. Il intégrait les caves bien souvent voûtées pour isoler de l’humidité du rocher les étages supérieurs, avec le pressoir à vin voir un four qui avait été jusque là communautaire. Les terrasses surélevées quant à elles exhibaient au soleil les productions de légumes “a secco”, lupins, fèves et fruits, figues, raisins ect…
Alors que les plus jeunes hommes sont absents de la commune, les femmes sont occupées aux travaux dans la “campagne”. Ainsi on peut noter l’aménagement de ces “orti” ou l’on fait la lessive et l’on passe généralement la journée à la bonne saison pour “a cena” sous la pergola près du bassin, alors que “ a casa” reste sommaire et abrite le foyer“ u fucone” autour duquel à la saison froide circule les histoires en veillée et où l’on passe la nuit. Seules quelques familles d’anciens patrons de barques échappent à la règle avec des maisons cossues construites parfois sur plusieurs générations, et dont les propriétés sont mises en valeur par des métayers (au régime du mi-fruits) souvent immigrés de la Toscane toute proche Luques (e luchesi) dont beaucoup feront souche. La mise en valeur du domaine agricole des casalini dans la deuxième partie du XVIII°siècle, par une famille d’origine génoise devait créer le hameau du même nom et tombé en ruine peu après la dernière guerre.
L’émigration rurale au XX° siècle, les deux conflits auront raison partout en Corse, de la main d’œuvre nécessaire à relever les défit de la nature. Cette dernière était particulièrement ingrate à Nonza. (On peut évoquer ici les conditions météorologiques défavorables dont la fréquence et la violence des vents dominants, Libecciu et Levante).
La chute des cours du cédrat, qui avait été longtemps une véritable manne, devait faire disparaître cette production dans les années 1930.
Le site connaîtra une autre activité qui malheureusement le défigurera pour longtemps, il en porte encore des traces.
Les Mines d’amiante de Canari dans les années 1941 à 1965.
La société a été créée en 1941 à Paris avec des capitaux provenant essentiellement de la société Eternit.. Au début des années 1960, le site de Canari est l’un des derniers gisements d’amiante exploités en Europe. L’effectif du personnel employé dépasse 350 et la production atteint 20% des besoins français en amiante. En 1961, la production représente 27900 tonnes, soit quatre fois moins que celle du Canada, premier producteur mondial. L’usine qui paraît rentable fait vivre presque un millier de personnes. Toutefois de graves problèmes existent, parmi eux celui de la pollution par le rejet en mer des stériles qui entraîne la fermeture de l’exploitation en juin 1965. La disparition de la mine provoque aussi le licenciement de plus de 300 personnes, ce qui posera pendant plusieurs années le délicat problème humain du reclassement des ouvriers de Canari. Ainsi après 1965 Nonza rompt définitivement avec ses activités passées, sa marine qui occupait encore quelques pêcheurs, son agriculture et sa viticulture qui animaient la campagne environnante. La commune perd peu après sa justice de paix, son école, la gendarmerie en même temps que sa fonction de chef lieu de Canton. Le village classé vers 1975, connaît aujourd’hui avec 50 habitants en hivers et une population qui décuple en été, le rythme artificiel et les difficultés des localités de résidences secondaires.